Naitre, vivre, mourir.
S'envoler.

On nait. On vit. On meurt. Incessante cacophonie de la vie, comme un écho retentissant qui ne cesse de se répéter. Une mélodie monotone et redondante. Naitre. Vivre. Mourir. C'est ainsi, la vie est un enchainement d'actions et de vérités, vivre pour ce que l'on attends de nous. Et cela est particulièrement vrai lorsque l'on nait dans une famille de sang-pur. Sang-pur. Deux mots, sept lettres. Deux syllabes. Entremêlement de sons qui influencent toute une vie. Sang-pur. Naitre pour représenter la grandeur d'une famille de renom, naitre pour régner. Sang-pur. Ou comment porter l'étendard de la famille. Nous sommes les rois. Sang-pur. Des idéaux familiaux qui forgent nos vies comme le veux les mains qui semblent nous guider comme des pantins désarticulés. Nous ne sommes pas maitres de nos destins, pas si quelqu'un le prends déjà en main. Non. Sang-pur. Ces mots, je ne pourrais dire combien de fois je les ai entendus. Vivre pour représenter ce sang, épouser un sorcier de bonne famille, concevoir un héritier pour continuer de faire vivre cette lignée des plus pures. Régner. Sang-pur. Un destin, un présent. Une vie. Sang-pur.

Chante, vole, tant que tu le peux,
petit oiseau.

Je courrais. Sur mes pieds je ne sentais rien d'autre que la douceur de l'herbe, la fraicheur de la rosée. Les branches griffaient mon visage, traçant de longues mais peu profondes estafilades écarlates sur ma peau d'opale, mais ça m'était égal. Je courrais. Sentant l'air pur remplir mes poumons, le vent fouetter mon visage et mes cheveux voler derrière moi telle une flamme dorée. Rien n'avait d'importance. Ni les branches du bois qui bordait le manoir qui agrippaient telles des griffes, ni la boue qui salissait mes jambes. Rien. Rien que le souffle ardent de la liberté qui me poussait comme le vent dans les voiles d'un bateau. J'étais libre. Libre de vivre, de respirer. Libre. Je continuais ma course folle, les bras tendus comme les ailes d'un oiseau sauvage en riant aux éclats. Le rire tonitruant du bonheur. « Siloë-Lynn ! » Un mot. Un nom, crié au loin. Comme un fouet qui claque tout à coup me stoppant net. Je lançais un regard vers le manoir au loin, hésitant un bref instant. Puis je poussais un soupir en revenant sur mes pas, donnant un coup de pied rageur dans un caillou tandis que je retourne vers le manoir familial. Un instant, j'étais partie, profitant d'un moment inattention de mon père pour retourner jouer dehors, libre, seule. Un instant d'évasion trop vite brisé. Je soupirais à nouveau, réaction puérile de la petite fille que j'étais. Ce n'était pas la première fois que je fuyais ainsi pour profiter des bois et de leur bras qui m’accueillait, comme pour m'entrainer vers ce rêve de liberté. Enfin, j'arrivais au niveau du manoir ou mon père faisait les cent passur le perron en jurant, à ses cotés, ma soeur était sagement assise. Comme d'habitude. Soudain, mon père se dirigea vers moi, commençant à essuyer mes vêtements de gestes frénétiques. « Que faisais-tu encore dans les bois, hein ? Regarde toi, tu es toute salie, mais quel comportement de sauvageonne par Merlin ! Tu devrais plutôt prendre exemple sur ta soeur ! Tu es une Tyrell. Siloë-Lynn, une Tyrell. Cesse donc de vouloir courir toujours comme un cheval sauvage, ce n'est pas convenable, on dirait un enfant sang-de-bourbe. » J'écoutais sans un mot, connaissant ce discours. J'écoutais d'une oreille distraite, mais quelque chose en moi soufflait qu'il avait raison, alors qu'on fond, je sentais que je ne voulais que courir, rire, sauter, voler. Utopie enfantine, entremêlement d'innocence et de rêves. Et pourtant, un destin se dessine devant moi, sombre, ennuyeux, mais présent. Un chemin que je dois prendre, sans le vouloir, mais je le dois. Tout me pousse vers ce chemin sans que je puisse y faire quelque chose. Je n'avais pas le choix, je le savais, car j'étais née pour ce destin, née pour porter l'étendard de cette famille de renom.

Elle est comme une hirondelle.
A qui on aurait coupé les deux ailes.

Le vie est un fleuve, grondant dans son courant entre mille obstacles. Elle passe sans que l'on y fasse vraiment attention. Un battement de cil et voilà que la petite poupée sauvage devient une grande femme bien sage. Une jeune femme qui était aujourd'hui en cinquième année à Poudlard. Poudlard. Un lieu. Un simple lien mais qui avait à mes yeux adolescents autant d'importance que ma maison. Je m'y étais fait des amis, des ennemis. Entrelacement de liens éparpillés et variés. C'était chez moi, pour le meilleur et pour le pire. « Et bien, Lynn, te balader la nuit dans les couloirs, voilà qui n'est pas très sérieux .. » Je me retournai, souriant en reconnaissant la voix de Liam qui me regardait, lui aussi pris d'insomnie, visiblement et qui avait également décidé de passer ces nuits blanches dans les couloirs. «Je pourrais te dire la même chose, Liam. Tu n'a pas le droit d'être là. » « Toi non plus, même pour les sangs-purs, il y a un contre-feu, tu sais. » Je souris. Liam était mon esclave, tout autre esclave qui aurait parlé ainsi à son maitre aurait été châtié, mais pas nous. Il était bien plus que mon simple esclave, il était mon confident. Mon meilleure ami. Comme mon frère, non. Mon frère. Le reste n'avait pas d'importance, ni son rang, ni le mien. Nous étions nous. Ensemble envers et contre tout. « Après, je ne vais pas dire que ça m'étonne. » « De quoi tu parles ? » Il sourit, haussant un sourcil amusé. Je détestais cette expression, celle de celui qui a toujours raison, et qui s’apprête à le faire savoir. « Lynn, c'est pas à moi qui tu vas faire avaler ton numéro de miss parfaite, t'es pas ta soeur. » « Tu as tort, tu ne sais pas de quoi tu parles. » « Oh contraire, maitresse vénérée, je te connait par coeur. Et même ce coté sauvage que tu ne veux pas accepter .. D'ailleurs, je ne suis pas le seul. Il parait qu'un certain Gryffondor connait aussi ce coté .. » « Ce rustre de Hastings, tu rêves. » « Qui a parlé de Hastings ? Pas moi en tout cas. » Je le tira la langue, ne répondant pas. Mais je savais qu'il avait raison, je n'étais plus la gamine rêveuse que j'évais été, la petite qui ne voulait que courir et s'évader, et je crois que si elle avait pu apercevoir ce qu'elle deviendrait et bien elle ne l'aurait pas cru. Non, pas le moins du monde. Elle n'était plus. Disparue sous un masque de glace. Tyrell. Je me devais de représenter ma famille, j'étais née pour ça, élevée pour ça. Je me le devais coute que coute et qu'importe mes stupides rêves étriqués de gamine. Ils n'étais plus, balayés au vent comme une lettre d'amour déchirée. Balayés. Je n'étais plus. Enchainée en un piège inextricable de la grandeur et de la fierté. J'étais Siloë-Lynn Tyrell, héritière d'une lignée des plus pures. Rien d'autre. Parce que rien d'autre n'avais plus d'importance.