LA TRANSFORMATION
La lune était parfaitement ronde et éclairait cette nuit glaciale. Ce n'était pourtant pas l'hiver qui rendait la température ressentie si basse. C'est le vent. Il soufflait en permanence et tout ce qui se trouvait sur son passage était refroidi par celui-ci. Les branches des majestueux arbres qui étaient enracinés dans ce relief semblaient être les fils de marionnettes valsantes qu'étaient leur feuilles. C'était à la fois magnifique, mais terriblement effrayant, pour une raison ignorée. Quelques fois, on pouvait discerner à travers le sifflement du vent quelques crépitements dus à l'activité d'animaux nocturnes, jamais rien de plus que deux ou trois craquements de branches , un léger cri strident d'hibou ou un lointain hurlement de loup.

Tout se passa vite. Un hurlement. Un craquement. Un moment. Un cri d'enfant. Un cri de femme. Un moment. Des pleurs, mais ça on ne pouvait les entendre.

Par un miracle étonnant, l'enfant n'avait pas été dévoré. Heureusement que la mère avait été là pour éloigner avec une fourche la bête. Puis le père qui avait barricadé sa pauvre chaumière à l'aide de sortilèges. C'était pourtant trop tard. L'enfant souffrait. Beaucoup. Il venait d'avoir quatre ans. Il était semi-conscient. Son petit corps tremblait, étendu sur le sol rocailleux. La mère passa une main attendrissante et nerveuse dans la chevelure de son enfant. Elle était rousse écarlate, c'était bien la seule couleur de cette tragique nuit.

Jamais il ne su ce qu'il ce passa, jamais il ne su comment il devint lycanthrope.

LA SOEUR
Ils sont comme chat et chien. Ils ne s'entendent pas du tout et ne partagent pas les même valeurs. Les deux viennent pourtant de la même famille. Elle le trouve ringard, il la trouve snob. Elle ne veut pas être associée à lui, il ne veut pas être associé à elle. Personne ne se douterait qu'ils sont du même sang, ils ne sont jamais ensemble par choix. Et lorsqu'ils le sont par la force, ce n'est pas très beau. Du moins, c'est ce que les gens pensent.

Ils étaient dans la cuisine, les parents étaient partis au travail. C'était avant qu'Alcide n'entre à Poudlard. Il devait avoir treize ans. "Hey morveux, j'ai un plan." Un plan, Alcide aimait les plans. "On pourrait créer une image de deux frères et soeurs qui se haïssent, je serai du côté des sangs purs, et toi des nés-moldus." "Pourquoi je serais le plus looser des deux? Et pourquoi on ferait semblant?" "Laisse-moi finir morpions. Réfléchis, tu as toujours été maladroit et aucun roux n'a jamais marqué l'histoire. Par contre, les rousses…" "… n'ont pas plus marqué l'histoire." "Non, mais elles ont toujours été plus populaires, plus normales. Puis, tu sais à quel point je suis bonne actrice, au nombre de fois que j'ai menti aux parents." "Je dirais plutôt que les parents sont naïfs." "Oh tais-toi tête de pioche, tout ça serait dans le but que je tire des avantages et que je nous sors de ce taudis." "C'est plutôt con, mais ça pourrait fonctionner. Je ne suis pas certain que ce soit une bonne idée, le jeu n'en vaut pas la chandelle il me semble, mais pour maman et papa… " La rouquine cracha dans sa main et la présenta à son plus jeune frère. "À partir de ce jour, à chaque fois que nous nous croiserons en public, nous nous mépriserons et haïront dans le but d'enrichir ma propre réputation qui finira par enrichir la réputation des Whitney-Stark." "Qui ne risque rien n'a rien…" Non convaincu, Alcide présenta sa main rempli de cracha et serra la poignée ferme de sa soeur aînée.

LES RETROUVAILLES
L'anxiété pouvait se lire dans les yeux d'Alcide. Ce mot aurait été écrit sur son front en caractère gras et détaché, cela aurait été moins clair encore. Son bras était ensanglanté. Il avait pris la fâcheuse habitude de se gratter l'avant-bras gauche lorsqu'il était nerveux. Peut-être était-ce une des nombreuses conséquences des grafignes ancrées sur son torse? Ou peut-être que c'était simplement un mauvais pli qu'il avait pris pour aucune raison particulière. Il avait raison d'être nerveux. En fait, il aurait plus du être honteux, mais ça c'est une toute autre histoire. Le jeune rouquin, en plus d'avoir le bras en sang, était couvert de boue de la tête au pied. Il avait réussit à souiller le seul t-shirt propre qu'il avait pu trouvé dans sa garde-robe en se barrant les pieds à la sortie de l'école. Il a toujours été trop maladroit et l'angoisse qu'il éprouvait ne devait qu'empirer cet aspect de sa personnalité. D'ailleurs, s'il réalisait dans le cours de la journée ce qu'il devait réaliser, il aurait souiller avec autre chose son t-shirt. Et par le fait même autre chose que le t-shirt.

Alcide était arrivé à destination. Ce n'avait pas été un long chemin; il avait pourtant duré le temps d'un éternel pèlerinage. "Elle sera au parc, à six heures trente-trois piles, elle y est toujours." "Et s'il n'y est pas ce jour-là, et si elle envoie son amie à sa place?" "C'est impossible, mais si par je-ne-sais-quelle-raison ce n'est pas elle, tu n'auras qu'à tuer son 'amie'. N'oublis pas notre petit marché Alcide." Il était six heures trente du matin. Alcide se levait rarement à cet heure, c'était souvent les esclaves qui étaient réveillés. Il se camoufla derrière un grand arbre. Il tenait fermement la dague dans sa main droite. Il tremblait et dix milles pensées défilaient dans son crâne. Était-il prêt à sacrifier la vie d'un innocent pour son propre bien? Pour se sortir de la misère? Pour aider ses parents? Était-ce la bonne façon de contribuer à un certain enrichissement? Il ne savait pas, ne savait plus. C'était des temps difficiles. Il n'avait jamais eu aussi honte d'être aussi pauvre. Il n'avait jamais eu aussi honte d'être de sang-mêlé. Jamais aussi honte d'être lycanthrope. Il avait fait un marché, il devait le respecter.

Elle apparut. Un visage, le plus beau, si délicat, si ouvert, mais si impénétrable. Il l'avait vu. C'était elle, qui l'avait sauvé d'un grave pétrin. Elle qui avait pris le blâme à sa place. Elle à qu'il avait rêvé de remercier. Elle à qui il devait une dette. Elle qu'il devait tuer.

C'était affreux. Il ne pouvait pas, mais il le devait. Le devait-il vraiment au fond, ou il voulait se faire croire qu'il le devait? Il sorti de sa cachette. Elle ne le voyait pas. Juste un petit coup, rapide, dans le coeur.

Mais quelle lâche il était, de produire un tel geste. Non, il n'allait pas le faire. Pour une fois dans sa vie il allait être courageux. Il lâcha la dague à mi-chemin et se retourna. Des larmes coulèrent sur ses joues. Il était un monstre, et pas seulement parce qu'il se transformait un bête poilue de loup-garou à chaque pleine lune.

Alcide sentit une douce main sur son épaule. Elle l'avait rejoint, quelle horreur. Ses jambes s'immobilisèrent, il ne se retourna pas. Elle demanda. Il raconta, tout, son secret, ses intentions, tout, depuis le début.

Et elle devint sa meilleure amie.

Et celle qu'il aima, mais cela, c'est une toute autre histoire.

LA POTION
Dans la vie, il y a des gens qui ont du talent, et d'autres qui en n'ont pas. Alcide a toujours fait parti de cette dernière catégorie. Ses notes n'ont jamais été des plus élevés, et il devait un bon travail à une bonne étude, rien de moins. Ce principe s'appliquait à presque toutes les matières, car en potions, c'était très différent. Certes, Alcide fut toujours passionné par ce cours et y donna corps et âme pour obtenir d'excellent résultat; mais il avait du talent. Suivre des indications, une recette; ça n'a jamais été son fort. Par contre, suivre une recette et en modifier les ingrédients, ajouter un peu de ci, ajouter un peu de ça, se tromper et découvrir une nouvelle recette, il était diablement bon là-dedans.

C'était le dîner du club de potions et Alcide essayait de créer un tout nouveau philtre. Il suivait presque à la lettre les indications du manuel qu'il avait emprunté le matin-même à la bibliothèque. Par ailleurs, il avait été coincé dans les escaliers pendant une quinzaine de minutes car il s'était trompé d'étages… tout qu'une aventure! Bref, tout allait pour le mieux. Il testa la nouvelle potion. Il l'avait réussi, ce cher Alcide.

Pourquoi cette histoire banale et débile? Parce que c'est exactement le genre d'histoire qu'Alcide vous racontera si vous êtes son ami, ou une connaissance, ou du moins quelqu'un qui peut se trouver sur son passage.

LE GRAND MALADE
Il avait l'impression que sa tête était dans un étau, son corps était pas beau. Il se serrait le ventre, le plus fort qu'il le pouvait. Il souffrait. C'était un peu comme au moment de sa transformation. Il était si jeune dans le temps; il ne pouvait réellement comparer. Mais il le savait. Ce n'était de toute façon pas normal devoir avaler une potion tue-loup pour éviter de se transformer en loup-garou. Et ce n'était certainement pas habituel de devoir rester cloîtrer dans son lit pendant toute une journée à cause de cet antidote. Il s'était déjà transformer; cela était beaucoup moins douloureux, même le lendemain. Mais il ne pouvait pas se laisser faire. Il devait souffrir pour éviter d'être un monstre. Il en était un quand même, mais un moins gros. C'est ce qu'il disait. Le mal revenait chaque mois. Il n'assistait pas aux cours. L'infirmière le motivait, pour une raison qu'elle ignorait. C'est le directeur qui était au courant, qui l'avait appris. Il préférait qu'Alcide manque ses cours, plutôt que de laisser un loup-garou trainer dans la forêt interdite. Elle était certes interdite, mais ce n'était plus les interdictions qui empêchaient les élèves d'y pénétrer clandestinement. Il l'avait découvert, ce n'était pas très subtile. Mais il était futé puisqu'une bonne partie ne se doutait de rien. Alcide s'était inventé une maladie qu'il avait lu une fois dans un bouquin pour les médecins. Certains le croyaient, d'autres le pensaient menteurs. D'autres lui lançaient des bêtises du genre : "il doit être dans ses SPM". Et t ils se trouvaient bien comiques, ce qu'ils n'étaient pas.

Alcide a arrêté un peu. Parfois, il ingurgite la potion, mais il se sent si mal. Ce n'est pas endurable, il préfère être "lâche" et devenir ce qu'il devient à chaque pleine lune. Le directeur croit qu'il prend encore la potion. Il a donc toujours congé deux jours par mois : la pleine lune et le lendemain. Personne ne vient vérifier s'il est bien là. Il prend ses précautions par contre et pars lorsque les autres sont en cours et ne revient que le lendemain au soir. Personne ne le dénonce, personne ne s'en préoccupe vraiment. Sauf Isÿe, qui vient toujours veiller à son rétablissement au matin. Il lui en serra toujours reconnaissant. Il lui doit tellement.