« Fais honneur à la famille », lui remémora son père - comme si elle était capable de l'oublier - en l'obligeant à avancer, d'une pression dans le dos. Iseult s'avança donc dans la salle, ses parents la suivant de près. Evidemment, elle aurait préféré être n'importe où sauf ici. Elle avait l'impression d'être un agneau jeté dans un enclos rempli de lions affamés. Parmi ces lions tout de même, se disséminaient de ci de là quelques autres agneaux. Les esclaves. Iseult n'en avait encore jamais vu, bien que ses parents lui en aient parlé maintes fois. " C'est un privilège auquel nous n'avons pas droit ", répétait son père, le plus souvent. Il aurait souhaité en avoir un, lui aussi. En fait, ce qu'il désirait le plus au monde, c'était être un sang-pur. Sauf qu'il était lui-même le petit fils d'une née-moldue. Son grand-père à lui, l'arrière grand-père d'Iseult, avait souillé le sang de la famille Tallow. Et à partir de ce moment, plus jamais les Tallow ne furent considérés comme respectables. Cette situation rendait fou Amadeus Tallow, qui aurait pourtant donné corps et âme pour relever l'honneur de son nom. Lui qui avait tant d'ambition, il se voyait réduit de force par quelque chose qu'il n'avait pas choisi, et qu'il ne pourrait jamais changer. Son sang était devenu impur voilà plusieurs générations. Oh bien sur, pas assez impur pour être traité moins bien qu'un animal, être piétiné par la société. Non, juste assez pur pour avoir le droit d'user de magie, mais à un certain degré ; juste assez pur pour rêver d'un avenir, mais d'un avenir si médiocre comparé à celui des sang-purs ; et assez impur pour être dans son dos la risée du beau monde, le bouffon dont tout le monde se moque par derrière.

Puis sa femme - une sang-mêlée comme lui, le meilleur parti qu'il ai pu trouver pour sa condition - lui avait donné un enfant. Il aurait préféré un garçon, mais ce fut une fille, et il s'en accommoda bien vite. Ils l'appelèrent premièrement Honor, afin qu'elle se souvienne à jamais qu'elle était née pour redorer l'image de sa pauvre famille. Elle était l'objet des ambitions de son père, la poupée des rêves de sa mère. Et aujourd'hui, elle avait à peine sept ans qu'on la jetait déjà dans la gueule du loup. " Nous te présentons au monde ", lui avait dit sa mère, non sans une once de fierté. Les Tallow étaient souvent invités à des réceptions parmi les sang-purs. Si Amadeus et sa femme y trouvaient là beaucoup de fierté, Iseult, du haut de ses sept ans, avait déjà compris qu'on n'invitait les Tallow que pour mieux se moquer d'eux. Le père d'Iseult était le meilleur lèche-bottes du pays, le meilleur larbin toujours heureux de servir la race supérieure. Où était l'honneur de la famille dans tout cela ? Iseult se le demandait parfois. « Viens, que je te présente à notre hôte, et tiens toi bien », lui ordonna son père d'un ton aigri, avant de feindre un sourire radieux en approchant d'un homme de haute stature, habillé d'un costume trois pièces qui coûtait certainement un bras. Iseult acquiesça sagement, et suivit son père. Sa mère était également à ses côtés, fébrile. « Monsieur, je vous présente ma fille, Iseult », présenta Amadeus Tallow en poussant sa fille au devant du sang-pur. Derrière cet homme se tenait un autre homme, plus petit, qui semblait n'être qu'une ombre. Iseult comprit vite qu'il s'agissait là de l'esclave de l'homme. Celui-ci déposa d'ailleurs sur elle un regard inquisiteur, cachant mal le mépris. « Charmante enfant que voilà, Amadeus. J'imagine que tu comptes beaucoup sur sa future beauté et sa docilité pour en faire une parfaite future épouse, n'est-ce-pas ? », fit-il en s'adressant au père d'Iseult, qui s'empressa de répondre, heureux comme un benêt : « Oh oui Monsieur, mon Iseult est digne de ... » « Digne d'épouser un autre sang-mêlé, oui », le coupa le Lord. Amadeus perdit son sourire, et cela fit ricaner l'autre qui reprit : « Dommage que votre perle soit à demi impur, comme vous et votre femme l'êtes. Cessez donc de vous donner en spectacle, mon cher, aucune famille de sang-pur ne voudra de votre fille. J'en ai assez de supporter vos espoirs défaits ». Sur ce, il se détourna des Tallow et partit discuter avec d'autres convives. Instantanément, Tallow se retourna vers sa fille et la bouscula avec plus ou moins de violence vers la porte de sortie, madame Tallow les suivant toujours de près. Dés qu'ils furent à l'abri des regards importants, le père d'Iseult pointa un doigt agressif sur elle et vociféra tout en chuchotant : « C'est ta faute, idiote ! Tu n'a pas souri, tu te tenais aussi droite que ta grand-mère et ... » « Père, je crois plutôt que les sang-pur ne veulent tout simplement pas de nous dans leurs pattes », coupa Iseult, ayant tout de suite un geste de recul pour se protéger d'éventuelles représailles. Elle se serait certainement prit une gifle monumentale si sa mère n'avait pas attrapé la main de son père pour l'entrainer un peu plus loin. Ils discutèrent quelques minutes, puis revinrent vers leur fille, où madame Tallow annonça avec un sourire pincé : « On rentre ».

Ce soir-là, Iseult ne put s'empêcher de venir écouter aux portes, et de surprendre une conversation entre ses parents. « C'était folie que de présenter Iseult aussi jeune, Amadeus », disait la mère. « J'espérais tellement ! Cet Ignace n'est pas un aussi bon ami que je le pensais », répondait le père - ce qui fit lever les yeux au ciel Iseult. « Ce n'est pas ton ami, tu le sais parfaitement. Jamais un sang pur ne s'abaisserait à fréquenter consciencieusement une famille de sang-mêlé, aussi riche soit-elle. Nous avons l'argent, et nous pourrions acheter ce que nous voulons ... mais la pureté du sang, il n'y a que ça qui compte. Et cela, ça ne peut s'acheter », poursuivait sagement la mère. « Nous allons continuer à éduquer Iseult, et lorsqu'elle ira à Poudlard, elle fera ce que j'attends d'elle depuis toujours », s'entêta Tallow. Iseult sembla entendre un soupir - peut-être de sa mère. Elle en aurait peut-être entendu davantage, si un bruit de pas ne l'avait pas fait déguerpir de devant la porte du petit salon. Un domestique, surement.

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