I

“ once more into the fray. for the last good fight i'll ever know.
live and die on this day… live and die on this day. ”

sevastian's mother before dying.

Svetlana. Gracieuse femme russe d’une trentaine d’années. Les cheveux d’une teinte diamant éclatante dont les jolies boucles tombaient avec douceur sur ses frêles épaules blanches. Une peau de porcelaine, des traits durs et tirés par son expérience de vie, des iris de jais semblables aux ténèbres. La souffrance se lisait sur son visage; la souffrance d’avoir été une fille de fermiers russes, la souffrance d’avoir vécu une vie précaire jusqu’à sa majorité, la souffrance d’avoir dû fuir son pays natal en immigrant clandestinement, la souffrance d’avoir trimé pour rejoindre le Royaume-Uni. Sa vie sembla s’améliorer lorsqu’elle rencontra celui qui devint plus tard son mari. Pendant plusieurs années, les époux avaient tenté avec difficulté d’engendrer une descendance. Les nombreuses tentatives avaient pourtant été vaines… Par désir viscéral, presque obsessionnel, elle avait fini par coucher ailleurs, jusqu’à tomber enceinte. Peu importait le nombre de relations avec des hommes, il le fallait à tout prix. Quand la nouvelle bénie lui fut annoncée, jamais elle ne pensa révéler la vérité à celui qui partageait sa vie. L’identité du véritable géniteur n’avait aucune importance; son besoin de maternité avait été assouvi.

À la naissance du petit garçon, qu’elle avait prénommé Sevastian, elle l’avait gardé jalousement pour elle, empêchant quiconque d’avoir ne serait-ce qu’une once d’emprise sur lui. Elle seule avait l’autorité, elle seule détenait tous les pouvoirs quant à son éducation. Le mari ne tenta pas de s’interposer, pensant que la santé mentale fragile de sa femme ne devait pas être mise à rude épreuve. Dévoué et aimant, il s’était naturellement écarté de la vie du bambin. Sans qu’il ne puisse faire quoi que ce soit, la situation dégénéra au fil des mois, Svetlana s’enfermant chaque heure de chaque jour et de chaque nuit dans la chambre de sa progéniture. Elle l’allaita longuement, très longuement, à tel point qu’à sept ans, le garçon réclamait encore le lait maternel, cet élixir précieux censé le protéger des maux de la terre. Leur relation était exceptionnellement fusionnelle, ça en devenait même maladif. Jamais il n’eut à rejoindre les bancs de l’école, et jamais il n’eut à se faire des amis; tout était fait au foyer familial, de sa scolarité à sa vie sociale (inexistante, de ce fait).

Quand la petite tête blonde atteignit ses neuf ans, Svetlana était dans la quarantaine bien tassée. Les rides avaient fait leur apparition, la fatigue s’était faite sentir un peu plus chaque jour, l’envie de vivre n’y était plus. Pour autant, malgré sa morosité constante, elle continuait d’apporter autant d’amour à son fils. Sa vie était beaucoup plus importante que la sienne. Et elle le prouva quand trois hommes défoncèrent la porte de la bicoque. Le bruit sourd des meubles renversés la fit sursauter, la sortant de sa torpeur dans laquelle elle s’était plongée. Son fils de neuf ans dans les bras, elle se leva rapidement du siège à bascule et s’accula dans un coin de la chambre. L’enfant pleurait à chaudes larmes, elle tremblait. Instinctivement, elle posa son fils au sol, s’accroupissant pour venir tenir ses petites joues dans ses mains osseuses. Peut-être l’enfant pouvait-il lire en elle comme dans un livre ouvert, car il se mit à pleurer de plus bel en tenant sa mère par le cou. Elle tenta de l’en empêcher, retirant son châle de ses épaules pour venir envelopper sa progéniture. Après quelques paroles rassurantes, elle le fit glisser sous le lit, lui ordonnant de ne faire aucun bruit et de ne surtout pas pleurer. Elle se releva rapidement quand l’un des hommes força la porte de la chambre. Un coup de pied avait aisément disloqué celle-ci et la troupe de rafleurs s’était invitée. Le plus grand des gaillards s’avança doucement vers la mère. D’un geste délicat, il posa une main sur sa joue avant de la gifler d’une rare violence. « Où est-il ? » Elle ne répondit pas. La main de l’agresseur vint enserrer le cou de la dame russe; il l’avait soulevé à quelques centimètres du sol avec une facilité déconcertante. « Où… est-il ? avait-il insisté. » La peur s’était d’abord fait lire sur son visage mais elle fut bien vite remplacée par la souffrance. Les larmes perlaient une à une de ses prunelles de jais. « C’est juste un petit garçon… Épargnez-le, pleurait-elle, prenez-moi à sa place. Mais je vous en prie, ne faites pas de mal à mon bébé… »

Ses supplications n’avaient servi à rien. L’homme l’avait jeté à même le sol sur le côté, retournant toute la chambre pour trouver son butin. Quand il souleva le lit avec rage, l’enfant tenta de déguerpir mais une lourde main vint se poser sur sa petite tête, le tenant en l’air par sa frêle tignasse blonde. Se débattre était inutile et on le ligota pour l’enfermer quelques secondes plus tard dans un énorme sac en lin. Un éclair rouge jaillit d’un petit bâton en bois et l’enfant s’immobilisa… Inerte. Le cœur de la mère sembla se déchirer instantanément; elle pensait qu’il venait d’assassiner la chair de sa chair. « Une fois de plus au cœur de la bataille, dans le dernier combat que je ne livrerai jamais. Vivre et mourir en ce jour… » La tristesse lui serrait la gorge, son corps entier la faisait souffrir. « Vivre et mourir en ce jour. » termina-t-elle en se relevant. Et alors, dans un dernier élan de désespoir, se sachant condamnée, elle se jeta sur les agresseurs.

III

“ the world will not accept dictatorship or domination…
stuff you missed in history class, asshole. ”

sevastian to lowry before attempting to rape him.

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— ATTENTION, SENSIBLES S'ABSTENIR, PROPOS CHOQUANTS —

Allongé à même le sol, Sevastian était étalé de tout son long sur le parquet. La chambre de Lowry était spacieuse, décorée dans un style ancien, à la manière des manoirs d’antan. C’était sûrement l’un des détails les plus révélateurs de la nature sanguine et sociale d’une famille, qu’elle soit sorcière ou non. Les Rhosdale ne semblaient pas échapper à cette règle grotesque, même si ceux-ci se contentaient d’une demeure de taille moyenne. Aux yeux de Sevastian, même s’ils n’avaient jamais été des sorciers tyranniques ou pédants, il ne pouvait éprouver d’autres sentiments que la haine et le dégoût envers eux. Après tout, que pouvait-on ressentir d’autre pour ses geôliers ? Il était certes libre d’une certaine manière — car quitter la prison des rafleurs avait été la meilleure chose qui lui soit arrivée dans sa vie — mais il avait toujours la sensation d’avoir des chaînes aux poignets et aux chevilles. Pire encore, ils savaient que certains de ses camarades esclaves avaient quant à eux la sensation d’être enchaînés par la gorge… Ce devait être une chose affreuse qui révoltait Sevastian au plus haut point. Bien qu’il avait suivi l’enseignement lobotomisant du camp de concentration — on ne pouvait décemment pas l’appeler autrement —, il avait su se forger dans le même temps un caractère d’acier à toute épreuve. Résistance était un mot béni qu’il se plaisait à hurler à tout va lorsque Lowry l’emmerdait un peu trop.

Sevastian avait pris l’habitude de rester enfermé dans la chambre de son «maître». Il était rare que le russe de souche descende rencontrer ses geôliers. Bon nombre de fois, il aurait voulu leur cracher au visage tant ils le répugnaient. Alors, pour éviter toute confrontation suicidaire, il squattait le sanctuaire de Lowry. Et en cette belle soirée d’hiver, les vacances s’annonçaient fort intéressantes. Le petit Rhosdale était sous la douche, et comme à son habitude, Sevastian en profitait pour s’amuser avec sa baguette magique. Depuis qu’il était à lui, il avait pris un malin plaisir à fouiner partout et à étudier discrètement la magie. Les quelques rudiments qu’il maîtrisait lui permettaient d’en apprendre encore davantage au fur et à mesure des mois et des années. Il était fier de connaître déjà certains sortilèges à la perfection. Mais bien entendu, pour sa propre protection, il ne faisait pas état de ses prouesses, même si Lowry devait sûrement être au courant. Leur relation étrange, aussi malsaine que conflictuelle, ne les empêchait pas d’être particulièrement proches dans le sens où chacun d’eux connaissait les moindres détails de la vie de l’autre. Quelque chose qui dérangeait particulièrement Sevastian, lui qui était d’un naturel discret et taciturne.

Lowry sortit de sa salle de bains privative et le russe balança sa baguette à ses pieds. « Ramasse-la donc. C’est pas une savonnette mais c’est tout comme, claironna-t-il, un sourire narquois peint sur ses lèvres rosées. Je me ferai un plaisir de passer derrière toi… » Le sang-pur ne daigna pas répondre et poussa le bout de bois magique d’un geste délicat du pied. S’habillant fébrilement dans un coin de la chambre, Sevastian ne prit même pas la peine de détourner les yeux, laissant ce regard à la fois pervers et méprisant dévorer les formes du jeune homme. « J’ai faim. » Lowry sortit silencieusement de la chambre après s’être vêtu et ferma la porte à clé, comme à son habitude. Il revint quelques dizaines de minutes plus tard, un elfe de maison à sa suite qui portait un plateau en argent. L’heure du dîner avait sonné. Dans l’esprit tordu de Sevastian, c’était surtout l’heure des festivités.

Toujours assis sur le sol, Sevastian piochait au fur et à mesure dans son assiette. Il ne prenait pas la peine d’user de couverts, préférant y aller aux doigts, vieille habitude qu’il avait gardée du camp de concentration. Un bras posé sur son genou relevé, il ne quittait pas Lowry des yeux qui semblait lire un manuel. « Je… je sais pas comment te dire ça, mais ça me désole cette situation. Les esclaves, le monde actuel. » Sevastian semblait sincère. Oui, il semblait. Cette déclaration avait eu le don de sortir Lowry de ses activités scolaires car le sang-pur tourna la tête vers son esclave. « Viens manger avec moi. J’en ai ma claque de manger seul comme un clébard… » Lowry ne bougea pas. « S’il te plaît. » Rhosdale finit par se lever pour venir se poser devant son suivant. Même s’il n’avait réellement pas très faim, peut-être le sorcier avait-il décidé de sauter sur l’occasion pour profiter de cet instant où Sevastian semblait de bonne humeur. Le russe, quant à lui, se releva de sa position et, après s’être soigneusement essuyé les doigts sur le torchon à ses côtés, il alla se poster derrière Lowry. Les muscles de celui-ci semblèrent se contracter, par méfiance, mais le blond eut tôt fait de lui faire baisser sa garde quand ses deux mains, dans un geste totalement inoffensif à première vue, vinrent se poser sur ses épaules quelque peu carrées. Il appliqua une légère pression et s’accroupit, posant son menton dans le creux de son épaule droite. « Tu me laisses faire ? » demanda Sevastian alors que ses mains descendaient doucement dans son dos pour rejoindre son tour de jean. Quelle mauvaise idée Lowry avait eu de ne pas se montrer prudent…

Une dizaine de minutes s’était écoulée. Tout s’était passé très vite dans la chambre scellée; le russe avait maîtrisé le sang-pur et l’avait plaqué face contre sol. Il avait tenu ses bras en une clé experte qui avait arraché un soupir de douleur au futur prisonnier. Lowry n’avait pas hurlé, ses parents auraient eu la main lourde sur Sevastian, et ce dernier lui aurait fait payer dix mille fois pire. Il fallait simplement subir. L’esclave prit d’ailleurs un malin plaisir à retirer le pantalon de son compagnon de vie. « La nourriture c’est sensuel… commenta Sevastian tout en trempant l’un de ses index dans la purée de pois. Le corps est bon à toute sorte de stimuli. » Dans un accès de violence, le né-moldu renforça la pression qu’il effectuait sur Lowry. Son visage était appuyé sans vergogne contre le parquet. Et ce qui devait arriver arriva : le doigt lubrifié de purée chercha un point d’entrée… il chercha le point d’entrée. Ne prenant pas la peine d’être doux, il violenta l’intimité de Lowry en se collant contre lui, penchant sa bouche vers son oreille. « J’espère que t’aimes ça, susurra-t-il d’une voix malsaine. Le monde n’acceptera jamais la dictature ou la domination… c’est visiblement un détail que t’as loupé en cours d’histoire, trou d’cul. » Sevastian retira son doigt et l’essuya. Retournant le sang-pur sur le dos, il monta à califourchon sur lui. Sans prévenir, les lèvres russes vinrent happer celles de son prisonnier et, dans une passion dévorante, il lui offrit un langoureux baiser brillant de non-dits. Et si c’était plus qu’une simple haine viscérale ?